• L'eau qui rend fou

        Voici, telle que la relate Maître Plée dans son livre sur le sappo, l'histoire de Sapiens :

    " Dieu, constatant que par leur comportement les hommes s'estimaient supérieurs aux animaux, pour une raison qui dépasse notre compréhension (sinon il ne serait pas Dieu...), décida de rendre les hommes plus fous que les autres espèces animales.Pour ce faire, son intention était de modifier un certain jour la composition de l'eau du globe terrestre de telle façon que " Ceux qui boiront de l'eau auront l'illusion d'être intelligents et conscients, mais, en réalité, ils seront stupides et subjectifs parce que toujours à demi dans le rêve ".
        Mais Dieu, que l'on ne nomme pas pour rien " Le Juste " décida d'épargner un homme, nommé Sapiens, remarquablement droit, bon, honnête, courageux, et plein de sagesse. Dieu apparut donc en songe à Sapiens et, ayant révélé son projet à ce dernier, lui donna une semaine pour qu'il puisse se fabriquer une citerne suffisament grande pour y mettre en réserve l'eau nécéssaire à une centaine d'hommes pendant une centaine d'années.
        Losque la citerne fut terminée et pleine, l'eau de la terre fut soudainement modifiée une certaine nuit... et tous les hommes de la terre devinrent fous.
        Sapiens ne but que de l'eau puisée dans sa citerne et, serein, ne changeant rien à son mode de vie, il devint rapidement le commerçant le plus habile et le plus riche de la ville. Mais les habitants, jaloux de l'habileté de Sapiens à anticiper les fluctuations du marché, le considérèrent bientôt comme étrange, puis comme anormal : " Sapiens est fou, il fait toujours le contraire de ce qui est logique de faire " disaient-ils.
        Le Roi, mis au courant de ce qui se passait, demanda à son médecin personnel d'aller examiner Sapiens. Le médecin conclut, en hochant la tête, " cet homme est en effet anormal, mais je pense pouvoir le guérir avec une de mes tisanes miraculeuses ". Sapiens se garda bien de boire cette tisane faite de plantes rares et d'eau puisée à la fontaine voisine. Il en jetait un plein verre, chaque jour, pour faire plaisir au médecin. Les années passèrent ainsi, sans changement, si ce n'est qu'en prenant de l'âge, Sapiens devenait de plus en plus riche... mais ressentait de plus en plus l'ardent désir de fonder une famille et d'avoir des enfants. Il alla demander sa main à une très belle jeune fille qui avait répondu par un sourire à son sourire, mais le père de cette dernière lui claqua la porte au nez " jamais je ne donnerai la main de ma fille à un anormal! ".  Durant plusieurs années, il en fut ainsi avec tous les pères de toutes les filles, belles ou laides. Si bien qu'un jour, au lieu de boire l'eau de sa citerne, Sapiens, désespéré, se rendit à la fontaine publique voisine et but un grand verre de l'eau qui rend fou. Il devint alors " normal ". Les voisins crièrent au miracle. Le médecin accourut et annonça fièrement : " Vous voyez que ma tisane était miraculeuse! ". Le Roi lui accrocha donc une médaille de plus sur sa robe de médecin. Et tous les pères de la ville accoururent accompagnés de leurs filles pomponnées et parfumées. Sapiens eut l'embarras du choix, mais en bon fou qu'il était devenu, il choisit bien évidemment... la plus folle. Ils eurent beaucoup d'enfants, tous parfaitements fous... " Grâce à Dieu! "."


  • Commentaires

    1
    Sapiens
    Jeudi 25 Juillet 2013 à 15:09
    Sapiens signifie le sage ou celui qui sait(1). Sapiens est rejeté par tous les hommes comme anormal, mais en réalité il est le seul homme normal car il ne s'abreuve pas à la même source que les fous. Cette histoire nous montre donc qu'être normal ne signifie pas être comme les autres ou accepté par eux, mais être sain d'esprit (et le rester parmi les fous). Cette histoire nous montre aussi qu'un homme sain d'esprit au milieu des fous ne tient pas indéfiniment. D'où l'utilité de, parfois, cacher son savoir, pour ne pas susciter la jalousie et le rejet, "jouer au fou", pour sembler normal. Sembler normal en ayant l'air un peu fou, ce qu'il faut sans en faire trop; être réellement normal, en gardant en soi la lucidité requise à l'action. Telle est la voie tracée par cette histoire de sagesse d'Henri Plée, que j'ai également lue dans L'Art Sublime et Ultime des Points Vitaux(2). (1) Selon la note de bas de page 66 de la page 281 de L'Art Sublime et Ultime des Points Vitaux, Budo Editions - les éditions de l'Eveil. (2) Note de bas de page 119, page 304 - même livre, même édition.
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